Coronavirus : Quand les enfants redoutent la mort de leurs parents

Article LezAPe : Quand les enfants angoissent de voir leurs parents disparaître

Cette période "pandémique" reste inédite et très anxiogène à différents niveaux (santé, travail, économie, avenir). A l'heure où l'on met donc en avant l'angoisse ressentie par les adultes concerné.e.s au premier chef par le COVID-19, les enfants seraient épargné.e.s, et insouciant.e.s, poursuiveraient leur bonhomme de chemin sans encombre. Mais leur silence signifie-t-il une absence d'angoisse? Et dans une vision plus élargie, comment appréhendent-ils.elles l'idée de mort pour les adultes qui les environnent en cas de maladie grave?

A lire aussi : https://www.cairn.info/revue-etudes-sur-la-mort-2007-1-page-95.htm

Se représenter la mort lorsque l'on est enfant

Lorsque l'on doit expliquer la mort à un.e enfant, on constate que plus il.elle est jeune, plus la tâche nous paraît complexe. Pourquoi?

Parce que nous comprenons intuitivement que l'on risque de se heurter à un problème de représentation, de compréhension, puis d'acceptation.

Paradoxalement, l'enfant n'est pas étranger.e à ce que l'on appelle "l'angoisse de mort". Il peut la ressentir dès son plus jeune âge, au moment où son moi, c'est-à-dire la conscience de son existence en tant que sujet indépendant, s'affirme. L'enfant prend alors conscience de sa vulnérabilité face aux éléments extérieurs, mais aussi de l'inconstance des ces éléments pouvant disparaître à tout moment. L'angoisse de ne pas voir réapparaître ces objets auxquels l'enfant est attaché.e et desquels il.elle est entièrement dépendant.e, s'intensifie à mesure que le temps de la disparition s'allonge.

Ainsi, le nourrisson qui à son réveil ne voit pas ses parents va se mettre à pleurer, s'imaginant désormais seul au monde, incapable de se représenter une continuité avec des objets qu'il ne voit plus. Ne les voyant pas, ne pouvant imaginer un ailleurs que l'espace présent, ceux-ci n'existent plus. Par la suite, l'enfant comprend que ses objets d'amour peuvent réapparaître, mais le doute persistant, l'angoisse perdure également chaque fois que le lien se distend ou se rompt. C'est le fameux temps transitionnel (D.W. Winnicott) où l'enfant vit mal la séparation.

Il faut donc réaliser que si le nourrisson peut se sentir vulnérable et faire face à des angoisses d'anéantissement, sa crainte première est que les éléments sur lesquels il s'appuie disparaissent et n'existent plus jamais. Autrement dit, l'angoisse de voir ses parents disparaître est vivement ressentie dès le plus jeune âge, durant toute l'enfance et même après. Mais alors que le tout petit peut fantasmer une disparition définitive, il peut par la suite imaginer la disparition et donc la mort, comme temporaire. Elle peut être ainsi confondue avec les absences répétées qu'il constate au quotidien et qui ne durent pas.

Comme l'explique Hélène ROMANO - Dr en psychopthologie clinique, dans "Etudes sur la mort / L'enfant face à la mort" : "Le tout petit n'a pas de compréhension intellectuelle de ce qu'est la mort mais souffre au niveau émotionnel de la séparation. Avant 6 ans l'enfant a une vision assez rudimentaire de la mort ; il la perçoit comme un événement imposé de l'extérieur, la décrit comme un "long sommeil", un "long voyage", une "autre façon de vivre". La mort est pour l'enfant jeune un phénomène passager dont la notion d'irréversibilité et d'universalité n'est souvent pas acquise".

Du fantasme à la réalité

L'ayant redoutée depuis le berceau, l'enfant envisage fantasmatiquement que la disparition d'un proche puisse exister. Néanmoins ce fantasme, avant qu'un drame survienne, est comme déconnecté de la réalité. C'est en partie la raison pour laquelle les enfants peinent à comprendre et à accepter que la mort puisse être définitive. Elle reste avant tout fantasmée. Pour l'enfant (jeune), les piliers que sont ses parents sont éternels. Le temps étant appréhendé différemment, on peut dire que ces derniers sont pour lui.elle comparables à de vieux chênes dont on a du mal à imaginer la naissance et la fin.

S'ils.elles ne disent donc rien lorsqu'un parent (ou proche) est malade, il ne faut aucunement penser qu'ils.elles n'imaginent pas le pire et donc ne craignent pas de voir leur monde s'effondrer. Plus l'adulte se montre vulnérable physiquement, et plus le fantasme protecteur ne parvient plus maintenir à distance une réalité traumatisante. Qu'il s'agisse donc du COVID-19 dont les adultes parlent à longueur de journée, ou d'une autre maladie, n'oublions jamais que les oreilles des enfants se dressent systématiquement bien qu'ils n'interrompent pas leurs jeux. N'oublions pas que la crainte de voir leur parents disparaître peut les tenailler et qu'il est donc nécessaire de ne pas les tenir à l'écart de cette réalité effrayante les pensant confortablement installé.e.s dans leur bulle enfantine.

L'idéal est de leur demander ce qu'ils.elles ont compris de ce flot d'information qu'ils.elles ont jusqu'ici subi, et de les aider à verbaliser leurs éventuelles angoisses. A partir de là seulement, il sera possible de les aider à ne pas être silencieusement envahi.e.s par elles.



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  • ROMANO, Hélène, Etudes sur la mort - L'esprit du temps P.95, 2007.
  • WINNICOTT, D.W, Jeu et réalité : L'espace potentiel - Essai - poche - Paris, 2002.
 


Jean-Luc ROBERT Psychologue à LezAPe
Psychologue spécialisé dans les Troubles du Spectre Autistique

Auteur du livre : Ma vérité sur l'autisme, Jean-Luc ROBERT, N° ADELI : 779301076, consacre essentiellement sa carrière à l'étude et au traitement des troubles du comportement des enfants, notamment des autistes.


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